Lever le pied pour prendre de la hauteur

 

Une odyssée des corps fragiles soumis à la temporalité imposée par la vie en société au rythme de leur respiration.

Dans une société où tout tend à l'accélération, peut-on évoquer un corps aux rythmes différents ? Passant de l'ennui à la sur-stimulation, de l'appui au corps support, du corps manipulé au corps manipulateur, de la vitesse à la lenteur, en passant par le corps essoufflé, Lever le pied pour prendre de la hauteur, explore le lien du corps à sa soumission aux rythmes et à des tempi différents du sien.

 

 

 

 

Lever le pied pour prendre de la hauteur part d'un double constat : d'une part, la société tend à l'accélération et à la sur stimulation ce qui a un impact sur le vivant, sur le corps ; et d'autre part, l'invitation constante à prendre soin de soi, au bien-être, qui est elle-même soumise à une temporalité contrainte. Lever le pied a pour enjeu l'expérimentation d'un corps aux prises entre ses deux cadences contradictoires.

A travers un dispositif performatif où le souffle des interprètes et des musiciens est capté et mixé en direct, il s'agira de présenter un corps soumis, contraint à différents rythmes ou à la recherche d'une solution pour s'extraire de soi, du temps et de l'espace présent, une suspension ?"

 

 

Durée : 60 min environ

Public : tout public.

Chorégraphie : Hélène Poymiro

Interprétation : Emily Chevalier, Elsa Moulineau et Hélène Poymiro

Mixage et captation du son : Eddie Ladoire

Musique improvisée : Fabrice Vieira

Consultante : Sarah Hendel-Blackford

Technique son et lumière : Sébastien Vaillier

Captation vidéo et photo : Quentin Geyre

Espace minimum : 4 m x 6 m

 

Note d'intention :

 

"Au départ, Lever le pied pour prendre de la hauteur est une réflexion sur la cadence, cadence du corps et cadence imposée au corps. Il s'agit d'éprouver les rythmes contradictoires que l'on impose à notre corps, de les donner à voir.

Parmi les états modifiés de conscience, transe ou méditation sont deux états opposés pour le corps qui dans le premier cas est souvent soumis à une rythmicité forte avec une forte mise en jeu du corps (respiration, mouvement de nuque, danse en cercle...) et le second est au contraire recentré sur une recherche d'immobilité, de suspension de temps. Le premier s'accompagne souvent de musique répétitive, circulaire assez simple (un seul instrument ou rythme qui se répète) et le second se joue dans le silence du souffle. Plutôt qu'un tambour, nous faisons le pari de danser au rythme de notre cœur et donc de notre respiration. L'un des premiers sons que le fœtus entend, un son sourd qui oscille entre ternaire et binaire, un son qui se répète à l'infini mais qui n'est jamais totalement identique, le métronome irrégulier de notre corps. Une étude de l'hôpital de la Pitié Salpêtrière a d'ailleurs montré des variations cardiaques selon les différents états de conscience des patients. La respiration participe de ce rythme interne, elle est audible et crée ainsi un lien entre l'interne et l'externe du corps.

Notre but n'est pas d'amener les danseurs à passer par ces états de conscience modifiée mais de tenter une transposition de certains aspects de ces états sur scène. Nous garderons la notion de rythme, de marche, de répétition. L'aspiration à la lenteur ou au contraire à la vitesse, la perte de contrôle dans les deux cas. Nous chercherons à explorer la suspension comme pause musicale et dans son rapport au poids, à l'abandon et à la légèreté, et à la respiration (inspiration ou apnée).

Nous travaillerons sur un corps qui a décidé de "lever le pied" mais que d'autres actionnent par le souffle. Les yeux fermés, le danseur perd une partie de ses repères spatiaux. Sans le toucher, le contact à l'autre se fait et le modifie. le corps est attentif à sa peau. Le choix du souffle n'est pas anodin, c'est au contraire un nouvel interdit de la société. Jusqu'à présent, c'était une des rares substances sortant du corps qui n'était pas dévalorisé ou qui ne faisait pas peur. Il était souffle de vie, reconnexion avec soi, un instrument de méditation, un retour au primitif. Aujourd'hui, il est un vecteur de transmission de maladie. Montrer la respiration comme lien, le souffle sur la peau est un moyen poétique d'amener l'autre à une plus grande vigilance de son corps, à un contact fin, subtil, sensible à l'autre et en même temps à un contact plus petit, une zone précise du corps de l'autre à mouvoir.

Lorsque le contact se fait plus fort, par le toucher, le pincer, et que le corps est submergé d'informations, de plus en plus nombreuses, inévitablement, il a pour choix la chute ou l'immobilité stoïque.

Sur scène, des bancs de méditation symboles de cette recherche, sont des lieux de passage, de marche en équilibre, de manipulation au sol, des frontières. Ils permettent aux danseuses de se suspendre le temps d'un pas, une aide à l'équilibre ou au contraire au déséquilibre."